Production : La Virgule (Mouscron-Tourcoing)
En partenariat avec le : Conservatoire à Rayonnement Départemental de Tourcoing
Avec : Jean-Marc Chotteau
Et au piano : Françoise Choveaux
Avec la voix de : Claire Mirande
Assistante à la mise en scène : Carole Le Sone
Scénographie : Jean-Marc Chotteau
Réalisation du décor : Frédérique Bertrand
Lumière et régie : Éric Blondeau
Durée estimée du spectacle : 1h35 sans entracte
Adaptation, jeu et mise en scène de Jean-Marc Chotteau
Musique de et par Françoise Choveaux
D’après la Correspondance de Gustave Flaubert
Il signait ses lettres parfois simplement d’un « Votre Gustave », plus intimement d’un « ton G. » à sa maîtresse Louise Colet, d’un « ton vieux troubadour » dans ses missives à George Sand, ou encore « ta nounou » quand il s’adressait à Caroline, sa nièce bien-aimée….
Homme de tous les excès, Flaubert est dans ses lettres, tout au long de son existence, et avec une force et un style qu’il fait du bien d’entendre de nos jours, le pourfendeur d’une bêtise qu’il voit tout autant chez les écrivains, la morale, l’art, la religion et la politique… Mais sa soif d’absolu ne le protège pas de très émouvants accès de mélancolie, où l’homme du « gueuloir » se révèle être d’une sensibilité poignante.
C’est cet homme-là, protéiforme et d’une profonde humanité dans son apparente misanthropie, que Jean-Marc Chotteau vous invite à découvrir à travers un choix de lettres d’une surprenante modernité. Il sera accompagné par la grande pianiste et compositrice Françoise Choveaux qui incarnera sa Caroline, son « Caro », son « loulou », son « pauvre chat », celle qui, quelques années après la mort de l’auteur de Madame Bovary, rassemblera pour la faire éditer la correspondance de Flaubert, authentique chef d’œuvre de la littérature.
Votre Gustave
À trente ans, dans une des quatre mille lettres de sa Correspondance, Flaubert demandait à sa maîtresse Louise Colet : « T’aperçois-tu que je deviens moraliste ! Est-ce un signe de vieillesse ? (…) J’ai quelquefois des prurits atroces d’engueuler le genre humain ».
Engueuler le genre humain ! L’auteur du Dictionnaire de la bêtise ne ratait pas une occasion de se désoler de celle de ses contemporains. Mais s’il appelait « gueuloir » son cabinet de travail, encombré des piles vertigineuses de ses brouillons, notes, dossiers et livres par milliers, c’est surtout qu’il s’interrompait sans cesse dans son écriture pour tester en les gueulant les phrases qu’il venait de coucher sur le papier, les mettant à l’épreuve de sa propre respiration, pour vérifier si elles répondaient bien à son exigence d’une langue parfaite, pure et audible. Pour lui, « la phrase de la meilleure intention rate son effet dès qu’il s’y trouve une assonance ». Si Flaubert hurlait sa prose, c’est qu’il savait bien à quel point un mot mal placé pouvait rompre l’enchantement de ses romans, mais aussi de sa Correspondance, considérée à juste titre comme un authentique chef-d’œuvre de la littérature française.
Que pouvait séduire davantage un comédien que d’interpréter quelques-de ces lettres où se succèdent les murmures et les montées en décibels d’une parole oxygénée de pleins et de déliés ? Une écriture, comme un chant, qui mettait à son auteur « les poumons en feu ».
On comprend qu’à la grande pianiste Françoise Choveaux, qui, dans le cadre de sa résidence de compositrice au Conservatoire de Tourcoing, était venue suggérer à Jean-Marc Chotteau de créer en¬semble un spectacle, celui-ci lui ait proposé, alors qu’il se préparait à reprendre sa mise en scène de Bouvard et Pécuchet, de travailler sur Flaubert et sa Correspondance, pour l’incarner. Rien ne pouvait justifier mieux une telle collaboration que cette interdépendance chez Flaubert de l’écriture et de la lecture, de la lecture et de l’oral, et de l’oral avec la maîtrise du rythme et des sons.
Les coups de cœur et coups de gueule de Flaubert, enrichis de l’univers sonore de Françoise Choveaux, dont le talent d’interprète et de compositrice lui a valu de jouer et d’être jouée dans le monde entier, dessinent le très théâtral portrait d’un homme dont toute la vie est une lutte acharnée, épuisante, à la conquête de son idée sans concession du beau et du vrai.
Oui, quel homme ! Aucune des créatures inventées par Flaubert, celui de Madame Bovary ou de Bouvard et Pécuchet, n’est aussi réelle que le Flaubert de la correspondance : frondeur, tonitruant et tendre à la fois, insatiable pourfendeur de la bêtise d’un temps qui semble hélas encore le nôtre.
Flaubert signait parfois ses lettres Votre Gustave. Jean-Marc Chotteau en fera le titre de son spectacle : c’est qu’il souhaite faire descendre le romancier du piédestal inaccessible où nos manuels scolaires le placent pour vous faire connaître cet homme dont il veut vous faire partager les indignations. Et le faire vôtre. »
Extraits des Correspondances de Flaubert
Tâche d’arriver à la croyance du plan de l’univers, de la moralité, des devoirs de l’homme, de la vie future et du chou colossal ; tâche de croire à l’intégrité des ministres, à la chasteté des putains, à la bonté de l’homme, au bonheur de la vie, à la véracité de tous les mensonges possibles. Alors tu seras heureux, et tu pourras te dire croyant et aux trois quarts imbécile ; mais en attendant reste homme d’esprit, sceptique et buveur.
À Ernest Chevalier, le 30 novembre 1838 (Gustave a 16 ans !)
J’aime les viandes juteuses, les eaux profondes, les styles où l’on en a plein la bouche, les pensées où l’on s’égare. La Vie ! La Vie ! Bander, tout est là ! C’est pour cela que j’aime tant le lyrisme.
À Louise Colet, 15 juillet 1853
Il est vrai que beaucoup de choses m’exaspèrent. Du jour où je ne serai plus indigné, je tomberai à plat, comme une poupée à qui on retire son bâton.
À George Sand, 15 juin 1867
La résignation est la pire des vertus.
À George Sand, 1er mars 1867
Les gens raisonnables sont enclins à faire des folies. (...) C’est pour cela, sans doute, qu’il n’y a pas un comédien dans les prisons... leur métier est un exutoire par où s’épanche leur déraison, ce besoin d’extravagance que nous avons tous, plus ou moins.
À Madame Tennant, 25 décembre 1876.
Françoise Choveaux, vue par la presse
Une façon précise de jouer, colorée.
Jean-Yves Bras, Diapason magazine
Une cascade d’émotions, un feu dévorant…
Jean-Pierre Govignaux, L’Est républicain
L’œuvre est servie par l’interprétation pénétrante de Françoise Choveaux, révélant une expressivité encore inexplorée et une rare capacité à transmettre le pathos.
Los Angeles Times