Production : La Virgule
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Avec : Estelle Boukni, Julie Duquenoy, Melki Izzouzi
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Silhouettes des villageois : Brigitte Derin, Éric Marchal, Émeline Miny, Eddy Vanoverschelde
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Assistanat à la mise en scène : Carole Le Sone
Assistante stagiaire : Émeline Miny
Scénographie : Jean-Marc Chotteau
Construction du décor : Alex Herman
Décoration : Frédérique Bertrand, Bertrand Mahé
Réalisation des costumes : Les Vertugadins
Lumière : Éric Blondeau
Régie : Charly Caure, Guillaume Bommel
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Durée du spectacle : 2h00 sans entracte
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Tout public à partir de 13 ans
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CONTACT TOURNÉE :
+33 (0)3 20 27 92 77 / diffusion@lavirgule.com
d’August Strindberg
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adaptation et mise en scène
Jean-Marc Chotteau
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Création 2021
Interdite à la création car jugée trop sulfureuse, la pièce du Suédois Strindberg est aujourd’hui l’une des plus jouées au monde. Certes, pour l’irrésistible séduction que le personnage a suscitée chez des générations d’actrices, de metteurs en scène et de publics, mais aussi pour les thèmes qu’elle aborde qui ont su traverser les époques.
L’action se déroule en une seule nuit (celle de la Saint Jean, où le peuple s’enivre et danse en se donnant l’illusion de pouvoir sortir de sa condition), et dans un seul endroit : la cuisine du château de Monsieur le Comte. C’est là que Julie, sa fille, à peine sortie de l’adolescence, va passer la nuit pour provoquer sexuellement Jean, le valet de son père. Quand elle se sera donnée à lui, leurs deux mondes vont se déchirer. Car tout les oppose : Jean rêve d’ascension sociale, Julie d’émancipation. Lutte des classes et guerre des sexes.
Exauçant le vœu de Strindberg d’un théâtre « révolutionnaire » par sa proximité avec le public, c’est dans l’intimité du Salon de Théâtre que Jean-Marc Chotteau propose une vision délibérément naturaliste de ce huis-clos tragique aux résonances hitchcockiennes.
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NOTE D’INTENTION
« Avant de déclarer mon intention de mettre en scène Mademoiselle Julie, j’imaginais déjà les questions auxquelles je devrais répondre : - quel regard neuf avais-je donc la prétention de porter sur la plus jouée au monde des pièces de Strindberg ? - à quelle comédienne oser confier un rôle qu’avait marqué au théâtre de leur talent des Fanny Ardant, Emilie Duquesne, Juliette Binoche… ? Et surtout, - comment pouvait-on en 2021 faire admettre la vraisemblance de cette histoire écrite en 1888, où une jeune aristocrate, à avoir voulu inconsciemment échapper au carcan de son destin social, va, de honte, songer au suicide pour avoir fait l’amour avec le valet de son père ?
À cette dernière et très pertinente objection, j’optais, à contre-courant des tendances contemporaines, pour m’abstenir de toute modernisation, que ce fût par les costumes, le style de jeu, ou le décor. Pour faire résonner la pièce aux oreilles d’un spectateur d’aujourd’hui, il me semble paradoxalement plus heureux de la conserver dans son cadre historique, les problématiques d’ordre moral ou social ayant perdu de leur radicalité dans les décennies qui suivirent sa création. Certes, la fille du Comte, veut, dès les premières scènes, dominer le valet Jean, mais le combat qui s’installe peu à peu entre eux apparaît désormais moins comme une lutte de classe qu’une lutte de pouvoir entre un homme et une femme. Aussi, je souhaite faire en sorte que le spectateur entre comme moi en totale empathie avec cette jeune femme dont l’arrogance, les caprices, la solitude, sont à la mesure de son immense désarroi dans son désir de liberté et d’émancipation, mis à mal par un homme violent et prêt à tout pour son ascension sociale. Alors féministe, la pièce du très misogyne Strindberg ? Assurément oui ! Mise en scène dans son contexte d’époque, elle pourra faire mesurer par le public le chemin gagné socialement par les conquêtes du féminisme, mais surtout celui qui reste à faire, comme incite à l’emprunter l’effroi qu’inspire, aujourd’hui comme hier, le cynisme manipulateur d’un Jean contre lequel vient se fracturer l’innocence perdue de Julie.
Strindberg, dans la préface de sa pièce qu’il sous-titre Tragédie naturaliste, faisait le rêve d’une petite scène et d’une petite salle : Le Salon de Théâtre pouvait donc lui offrir le cadre parfait ! Dans mes premières esquisses scénographiques, l’action se passerait donc bien dans une vraie cuisine, celle du château, aux murs voûtés de pierre, mais en sous-sol, car Julie la fille de Comte y va descendre, dans tous les sens du terme : la domesticité est en bas, et les riches, comme le ciel, en haut. Il y fait sombre : tout se passe en une nuit, avant que les soupiraux ne fassent passer la lumière de l’aube. On y fera vraiment la cuisine, et je souhaite, même par souci d’un réalisme proprement strindbergien, qu’on sente le rognon que la sage et soumise cuisinière Kristin va servir à Jean, son fiancé sans scrupule.
Mais le naturalisme ne se cantonne pas aux dimensions d’un plateau ni au réalisme d’un décor : il s’agit d’offrir au spectateur l’illusion d’assister à une tranche de vie, quitte à n’en pas cacher ce qu’il peut y avoir de sordide ou de provocant. Et surtout ne pas simplifier ou rendre artificiellement limpide la psychologie des personnages ! A chaque spectateur, selon le vœu de l’auteur, de deviner leurs motivations dans leurs changements de ton et d’humeur, comme à travers leurs silences. Sommes-nous bien sûrs de ce que Julie va faire une fois sortie de scène ? D’où vient sa conduite étrange ? Du caractère de sa mère qui voulait en faire un homme ? De l’ambiance festive de la Saint Jean ? « Parce qu’elle a ses règles », comme le suggère la cuisinière ? De la bière qu’elle boit avec excès ? De l’odeur du lilas ? D’un premier désir sexuel ? De l’absence d’une autorité paternelle ? De la perfide influence de Jean sur son esprit tourneboulé ?... Au spectateur de faire le travail ! Et à la direction d’acteur de ne pas réduire le champ des interprétations…
Car les meilleures intentions dramaturgiques ne valent rien sans une distribution à la hauteur. Je n’ai pris ma décision de monter la pièce qu’après avoir eu les accords enthousiastes de Melki Izzouzi, dont j’ai eu le bonheur de découvrir le talent au cours d’un stage au Conservatoire et qui jouera Jean, d’Estelle Boukni qui fut ma parfaite partenaire de ma pièce Comma, et qui sera Kristin l’énigmatique et pieuse cuisinière, et enfin ; dans le rôle de Julie… Julie Duquenoy dont le public de La Virgule a, je l’espère, pu apprécier la touchante interprétation dans le rôle d’Agnès de L’École des femmes, que j’ai présentée et jouée il y a trois ans…
Au-delà de la justesse espérée de ces intentions, je tâcherai de faire en sorte que le public, qui en sera le seul juge, prenne du plaisir, comme le voulait Strindberg, à « s’obliger l’œil », pour se faire de cette pièce, qui s’est inscrite durablement par son universalisme dans le répertoire mondial, une perspective personnelle et inédite. »
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La presse en parle
Jean-Marc Chotteau présente une tragédie naturaliste très réussie. (...) Pour sa mise en scène, il a délibérément choisi de ne pas "moderniser" la pièce en lui donnant un air contemporain et finalement c’est tant mieux. Replacer les trois personnages, Julie la jeune aristocrate, Jean le valet et Kristin la cuisinière dans leur époque permet de mieux apprécier toute la force sulfureuse du texte.
Christian Vincent, La Voix du Nord
En montant la pièce de Strindberg dans un format naturaliste revendiqué, Jean-Marc Chotteau rend toute sa force à une pièce universelle et très incarnée. (...) En n’accentuant aucune interprétation, Chotteau préfère faire confiance à son public, laissant ouvert le champ des possibles quant à l’interprétation des motivations de chacun des personnages et de leurs choix. Sur scène, Julie Duquenoy est une Julie tour à tour tentatrice et ravagée, troublante et troublée, passant du charme à la détresse face à un Melki Izzouzi très à l’aise dans la peau d’un Jean plein d’autant d’aplomb et de verve que de doutes et de craintes. Simple et efficace, la scénographie de cette cuisine achève de contribuer à nourrir à une réflexion qui déborde largement l’espace modeste de la petite salle du Salon de Théâtre et du texte de Strindberg. C’est sans doute la meilleure preuve de la pertinence de la mise en scène naturaliste de Jean-Marc Chotteau.
Guillaume Branquart, Sortir
Ce huis-clos est rendu d’autant plus oppressant qu’au-dehors le petit peuple insoucieux danse, chante et rit, et que les oiseaux saluent l’aube nouvelle. Ce contraste marqué est d’un effet remarquable. Le jeu des acteurs est éblouissant, Estelle Boukni, alias Kristin, emplit le plateau vide d’une forte présence, vaquant en silence et avec résignation à sa tâche, et comme vouée à accueillir avec distance et pour ainsi dire à l’écart le drame de la promiscuité. Le beau Melki Izzouzi, dans le rôle de Jean, a le ton juste, à la fois méprisant, calculateur, cynique, mais aussi ulcéré d’une condition qui ne lui va pas. Julie Duquenoy, dans celui de Julie, est à son aise quand elle lance l’une après l’autre ses piques acérées, mais quelle émotion elle dégage quand le visage complètement décomposé, elle prend conscience petit à petit de son désastre. Elle est si terriblement dans le rôle que l’émotion ne s’amoindrit pas quand elle vient saluer à la fin du spectacle, d’une durée d’une heure cinquante qu’on ne voit pas passer, immergé qu’on est dans une tranche de vie cruelle, violente, sans morale, et horriblement douloureuse, où le mal n’est pas absolu.
Le metteur en scène fut inspiré, donnant du texte de Strindberg une interprétation pénétrante et éclairée, le rendant intelligible et émouvant malgré son caractère daté, mettant en lumière le drame humain de deux êtres qui ne trouvent pas leur place. Respect, M. Chotteau.
Colette Douces, Passeur du large
Jean-Marc Chotteau a réuni un remarquable trio de comédiens dans un huis-clos tendu, parfois suffoquant et violent, mais qui offre également quelques moments d’un rire libérateur. Il captive le spectateur par sa mise en scène haletante de la sulfureuse tragédie d’August Strinberg. (...)
Allez sans hésiter découvrir Mademoiselle Julie, plongez dans un tourbillon de sentiments intenses, confrontez-vous aux paradoxes de ses personnages et vivez pleinement cette pièce passionnante. Si vous aimez les beaux textes et les mises en scène exigeantes vous serez comblés.
Lise Potier, Le Ch’ti
Julie Duquenoy incarne une Mlle Julie sur le fil du rasoir, tour à tour piquante, mutine par jeu et par désir, dévoilant sa fragilité, puis dévastée, perdue, avec toutefois quelques fugaces éclaircies d’exaltation et d’espérance rêveuse (un des moments les plus réussis de la pièce). Melki Izzouzi (Jean) louvoie entre servilité et cynisme avec une mâle assurance et une soif de revanche qui vient de loin ; quant à Estelle Boukni (Kristin) elle endosse le tablier gris de cuisinière ou le manteau du dimanche pour la messe avec le même curieux mélange de modestie résignée, de secrète espérance entretenue sous couvert de religiosité et d’un je ne sais quoi de malice dans le regard qui en dit plus long que les paroles.
Paul K’ros, Liberté Hebdo
À découvrir ce Mademoiselle Julie, avec le regard bien sûr de l’auteur Strindberg sur la condition féminine et le travail de formidables jeunes comédiens issus du Conservatoire de Lille ou encore de l’école de Jean-Marc Chotteau. C’est un artiste qui, depuis longtemps transmet, aussi tout son savoir. Un grand moment de classique, une pièce d’une grande force et d’une grande cruauté.
Agnès Delbarre, Côté Culture - France Bleu Nord