de Josep Maria Mirò
Mise en scène de Bruno Tuchszer
Jeudi 09 et vendredi 10 mars 2017
au Théâtre Municipal Raymond Devos, Tourcoing [F]
Spectacle à l’abonnement
Production : Grand Boucan (Lille)
Co-production : La Barcarolle - EPCC Spectacle Vivant Audomarois, Carvin culture , Ville de Noyelles-Godault
Avec le soutien de la DRAC Nord - Pas de Calais - Picardie , la Région Hauts de France , le Département du Pas-de-Calais
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Avec : Carine Bouquillon , Olivier Brabant , Nicolas Postillon , Bruno Tuchszer
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Collaboration artistique : Carine Bouquillon
Décor : Alexandre Herman
Lumières : Marc Weugue
Création sonore : Laurent Doizelet
Régie : Olivier Floury
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Traduction du catalan par Laurent Gallardo
avec le soutien de la maison Antoine Vitez
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Durée du spectacle : 1h15 sans entracte
Bruno Tuchszer (Une Mort moderne, Le Système Ribadier) revient à La Virgule pour sa seconde mise en scène avec sa compagnie Grand Boucan.
Séduit par le travail d’écriture subtil et moderne d’un jeune auteur catalan, il porte à la scène cette pièce à l’ambiguïté soignée, où se trouve mise en scène la façon dont, à l’heure des réseaux sociaux et des chaines d’informations en continu, une phrase équivoque peut briser en un éclair l’harmonie d’une communauté et la vie de ses membres.
Échaudés par de récents faits divers, les parents d’une école de natation réagissent violemment quand une enfant dit avoir vu le maître-nageur embrasser un enfant. Mais que s’est-il réellement passé ?
La mise en scène sobre, où l’ambiance lumineuse suggérera simplement les émotions changeantes tels les reflets dans l’eau troublée d’une piscine, refuse de spolier le spectateur de la place d’arbitre que la pièce lui réserve. Les quatre solides comédiens de la Région auront alors tout loisir de jouer les nuances de leur partition pour convaincre ou dédouaner d’une vérité que la pièce ne tranche jamais, préférant alerter sur les dangers d’une société trop policée plutôt qu’offrir la catharsis d’un coupable trop vite désigné.
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« Le Principe d’Archimède n’est pas une pièce sur la pédophilie ; celle-ci sert de prétexte théâtral pour viser plus haut. Dans cette ambiance chlorée de piscine municipale - parabole parfaite de notre société aseptisée à l’excès -, Josep Maria Miró construit une histoire à partir d’un fait dont on ne sait jamais s’il a réellement eu lieu. S’agissait-il d’un baiser innocent sur la joue, comme ne cesse de le clamer le maître-nageur ou faut-il voir dans ce geste une intention malsaine ? Les faits sont soumis à deux lectures parfaitement réfractaires l’une à l’autre, qui se maintiennent d’un bout en bout de la pièce, de sorte que c’est au spectateur que revient la difficile tâche de trancher. Comme dans ses pièces précédentes, La Femme qui ratait tous ses avions et Gang Bang, on retrouve ici une constante de l’œuvre de Miró : le spectateur y est mis en mouvement, en travail, afin de prendre part au débat social que pose la pièce. Plus question de s’abandonner à l’illusion théâtrale, de se laisser dicter son attitude par le dramaturge. C’est sur cette liberté nouvelle que se fonde l’utopie présente d’un théâtre politique qui ne serait plus assertif ni dogmatique mais maïeutique.
Du reste, le problème soulevé par la pièce n’est pas seulement de savoir si le maître-nageur est coupable ou innocent, puisqu’objectivement aucun indice textuel ne permet de le dire ; il s’agit surtout de s’interroger sur un modèle de société qui semble s’imposer en Occident. Préférons-nous vivre dans un monde où un acte de tendresse envers un enfant est encore permis, même si cela suppose de possibles dérives, ou préférons-nous une société sécuritaire qui, pour prévenir tout risque, préfère accroître la surveillance des individus ? Voilà aujourd’hui le véritable dilemme des sociétés occidentales. La prolifération des dispositifs de sécurité donne à penser qu’elles ont déjà fait leur choix. Dans Le Principe d’Archimède, l’opinion publique ne finit-elle pas par condamner le maître-nageur, non pas pour ce qu’il a fait mais pour ce qu’il aurait pu faire ?
Ainsi donc, au-delà du problème social de la pédophilie, cette pièce rend compte d’une réalité bien plus large, qui semble s’imposer à notre insu et que Gilles Deleuze associe à l’émergence d’un nouveau fascisme : « Au lieu d’être une politique et une économie de guerre, le néofascisme est une entente mondiale pour la sécurité, pour la gestion d’une paix non moins terrible, avec organisation concertée de toutes les petites peurs, de toutes les petites angoisses qui font de nous autant de micro-fascistes, chargés d’étouffer chaque chose, chaque visage, chaque parole un peu forte, dans sa rue, son quartier, sa salle de cinéma ». C’est contre cette anesthésie générale dans laquelle l’époque puise sa force consensuelle que résiste Miró. Et s’il y a polémique, il y a aussi théâtre. »
Laurent Gallardo, traducteur de la Maison Antoine Vitez
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BRUNO TUCHSZER
Comédien formé au Conservatoire National de Région de Lille, Bruno Tuchszer partage sa carrière d’acteur entre le théâtre, la télévision et le cinéma. A la scène il joue notamment sous la direction de Claire Dancoisne, Jean Lacornerie, Stéphane Titelein ou encore Laurent Hatat. À La Virgule, il participe en tant que comédien à de nombreux spectacles de Jean-Marc Chotteau. Au cinéma on le voit notamment devant la caméra de Claude Berry, Philippe Lioret, Dany Boon, Vincent Garenq et de Christian Vincent. Après avoir adapté et mis en scène Une Mort moderne, la conférence du Docteur Storm d’après l’essai du Suédois Carl-Henning Wijkmark, une fausse conférence désopilante coproduite par La Virgule, il fonde sa compagnie Grand Boucan et présente sa première création Le Système Ribadier de Feydeau lors de la saison 2013-2014 de La Virgule.
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Extrait
David : - Vous n’avez pas l’intention de chercher à en savoir un peu plus ?
Anne : - Je vous le répète. Je n’ai pas le droit de poser des questions aux employés sur leur vie privée. Je ne l’ai jamais fait et je ne le ferai jamais. Maintenant, si vous le voulez bien…
David : - Nous sommes très inquiets, vous savez. Ma femme a lu un commentaire sur la page Facebook des parents dont les enfants sont inscrits à la piscine.
Anne : - Sur Facebook ?
David : - Oui.
Anne : - Tout le monde peut le lire ?
David : - Uniquement les membres du groupe.
Anne : - C’est une accusation très grave.
David : - Il est normal que nous soyons inquiets.
Anne : - Mais écrire une chose pareille, de but en blanc, sur Facebook… sans avoir la moindre certitude…
David : - Vous avez des enfants ?
Anne : - Cela revient à alarmer les gens à tort. On peut effacer un commentaire après l’avoir écrit ?
David : - C’est ce qui vous inquiète ?