LE MISANTHROPE

“Et parfois il me prend des mouvements soudains,
De fuir dans un désert l’approche des humains.”
Le Misanthrope, Acte 1, scène 1, vers 143-144

LE MISANTHROPE

Alceste n’en peut plus de la comédie sociale et le dit haut et fort :
“Je veux qu’on soit sincère et qu’en homme d’honneur / On ne lâche aucun mot qui ne parte du cœur”.

Son drame - qui nous fait sourire- est d’être aveuglé par son amour pour Célimène, une jeune veuve de vingt-cinq ans, une coquette pleine d’esprit, enfant capricieuse qui sait tout des stratégies mondaines et qui a fait de son salon, tapissé de miroirs, le centre de son monde, de sa Cour, dont elle est aussi le soleil et où chaque courtisan peut se sentir chez lui. Pas Alceste, l’atrabilaire, cet homme sombre qui se fait une “bile noire” à sentir son impuissance à combattre sans y jouer lui-même un rôle de bouffon, une “société du spectacle” où le désir de plaire passe inévitablement par une hypertrophie de l’égo.

Après “Boulevard et Pécuchet”, misanthropes séduits comme Alceste par la tentation du désert, “L’Esthétocrate”, pédante espèce en voie de prolifération dont Oronte, l’amant de Célimène est une préfiguration, "Le jour où Descartes s’est enrhumé”, où un philosophe perd la raison à sacrifier au caprices d’une jeune veuve, “L’Eloge de la Folie”, et “Petites Misères de la vie conjugale”, tous deux risibles plaidoyers pour la “comédie humaine”, Jean-Marc Chotteau retrouve dans “Le Misanthrope” un thème qui lui est cher et qu’il développe sous de multiples facettes d’une mise en scène à l’autre : le conflit, théâtral, drôle et pathétique à la fois, du monde et de sa déraison.