Conception & mise en scène de Jean-Marc Chotteau
Du mardi 14 janvier au samedi 15 février 2014
au Salon de Théâtre, Tourcoing [F]
Spectacle à l’abonnement
Production : La Virgule
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Avec : Jean-Marc Chotteau
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Création musicale : Cécile Broché
Création vidéo : Fanny Derrier
Création lumière & régie générale : Éric Blondeau
Assistanat à la mise en scène : David Lacomblez
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Durée du spectacle : 1h55 sans entracte
« L’hypotypose est l’image des choses si bien représentée par la parole, que l’auditeur croit plutôt la voir que l’entendre. » Quintilien (42-95 après J.C.)
Seul en scène sur le plateau du Salon de Théâtre, Jean-Marc Chotteau emmène le public dans un chemin commenté à travers les textes qui, depuis sa plus tendre enfance, ont nourri sa passion de faire vivre les mots par la parole et par le jeu. Ses hypotyposes « donneront à voir » Victor Hugo, Jean de La Fontaine, Érasme de Rotterdam, Jacques Prévert, Friedrich Nietzsche, François Mitterrand, L’Ecclésiaste, Claude François, André Bourvil, quelques autres encore... et un peu de Chotteau lui-même, dans le récit de son aventure théâtrale.
Pour « donner à voir » également par la musique, il fait appel à Cécile Broché, violoniste et compositrice belge dont les compositions électriques mêlent baroque, contemporain et sons du quotidien.
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L’hypotypose est une figure de rhétorique consistant à donner à un récit
l’allure d’un tableau vivant.
Comme si ce qui était dit était actuellement devant les yeux.
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NOTE D’INTENTION POUR HYPOTYPOSES
Mai 2013
« Balzac ne trouvant jamais de réponse quand on l’interrogeait sur l’origine de ses idées en concluait que « les ouvrages naissent dans la tête de leurs auteurs aussi mystérieusement que poussent les truffes au milieu des plaines du Périgord ». Je me suis de même souvent demandé d’où pouvait venir cette impérieuse pulsion à laquelle certains lecteurs ne savent résister qui les invite à transformer le plaisir de leurs lectures solitaires et silencieuses en insatiable désir de les partager avec un public. Névrose narcissique des acteurs peut-être ? Besoin d’amour certainement ! Mais amour de soi ou amour des autres ?
Comment et surtout pourquoi devient-on comédien ? Ne sachant trop y répondre, je me suis mis à interroger les faux replis de ma propre mémoire, là où sont mystérieusement et à jamais gravés ces textes qui ont accompagné ce que certains appellent un parcours. Le terme est bienvenu car c’est bien des compagnons de route que se révèlent avoir été ces poèmes, ces tirades, ces discours, ces pensées, ces chansons, apprises un jour par cœur sous l’ordre d’un instituteur ou d’un metteur en scène, mais le plus souvent par pur plaisir. Quelque chose qui tient au cœur et au corps comme le chante Laurent Voulzy, et à quoi on fait appel parfois quand le chemin est dur.
Sont alors sortis pêle-mêle, mais quasi intacts, de cette très inattendue mémoire qui semblait comme les avoir bonifiés avec le temps, La Conscience de Victor Hugo, La Grasse matinée de Prévert, Ma p’tite chanson de Bourvil, Une Nuit de l’Enfer de Rimbaud… et puis d’autres encore qui se bousculaient pour se faire une place, pour être une fois encore dits à haute voix et peut-être entendus : Ronsard, L’Ecclésiaste, La Fontaine, Cioran, Mitterrand, Claude François, Gilgamesh, Erasme, Louki, Comte-Sponville, Cohen…
D’autres personnages se sont réveillés, plus anonymes, mais qu’il ne fallait pas laisser sur le chemin : une sœur qui apprenait la sténo, largement mon aînée, aux jambes teintes de chicorée, qui me stupéfia à me montrer, un jour de printemps où j’apprenais à lire et à écrire sur sa Remington, qu’elle écrivait le mot cerise sous la forme d’un seul Z à l’envers ; monsieur Delattre, mon instituteur, qui, les jours de sagesse, nous faisait divinement après le cours la lecture de La Guerre du feu de Rosny Aîné et me fit jouer à mon grand dam le loup et non le lion dans Les Animaux malades de la peste ; ma maman, qui m’inscrivit à douze ans au « Concours de diction de la Ville de Roubaix » (sic !) que j’eus la bonne idée de gagner pour pouvoir faire un mémorable récital de La Légende des siècles au Colisée de Roubaix… Le Colisée ! Ce lieu pour moi mythique où mon père, qui y avait vu lui-même chanter Edith Piaf en personne, et qui m’y avait emmené voir Quo Vadis et Ben Hur en Technicolor, me dit simplement, à la fin de ma prestation : « c’est bien mon petit ».
C’est ainsi que naquit l’idée de faire entendre dans un spectacle quelques-uns de ces compagnons-là, et d’autres peut-être encore, dans ce que ma mémoire aura été capable de leur laisser en matière de permissions de sortie et de liberté conditionnelle. Souvenirs des étapes d’une aventure théâtrale, la mienne, celle que je connais le moins mal, celle d’un amoureux des mots qui n’a eu de cesse de les donner à entendre.
Mais cette fois le pari sera de les « donner à voir », non pas à grand renfort de scénographie spectaculaire, d’effets spéciaux, ou de distribution pléthorique. Non, je serai seul, jouant des silences dans la boîte noire d’une nuit blanche, pour mieux habiller mots et pensées, et faire au public, sans autre secours que cette figure que l’art de dire appelle Hypotyposes, mon cinéma. »