Production : La Virgule (Mouscron-Tourcoing)
Avec : Juliette Barry, Sylvie Baur, Cyril Brisse, Didier Coquet, Nathalie Croix, Rémy Delattre, Aurélien Dujardin, Rosalie Doudou, Tristan Hernas, Simon Hommé, Valentin Ladoé, Corinne Lalondrelle, Éric Leblanc, Anne-Sophie Martinache, Yoann Mascart, Brigitte Mariaulle, Claire Mirande, Barbara Monin, Lionel Quesnée, Wilfried Rioul, Laurence Salembier, Stéphane Titelein, Dominique Thomas, Bruno Tuchszer
Assistant général : David Lacomblez
Assistant répétiteur : Stéphane Titelein
Costumes : Léa Drouault
Régie générale : Sébastien Meerpoel
Régie : Olivier Floury, David Lecoq, Maïté Furling, Yann Mendes Lopes
Conception & mise en scène : Jean-Marc Chotteau
Mon HLM, note d’intention…
Pour en faire un métier, je crois avoir dû aimer les théâtres autant que le théâtre. Leurs velours et leurs boiseries, leurs lumières et leur obscurité, leurs cris et leurs chuchotements, les rouges et les noirs, les dorures et les vieux stucs… Et leurs publics, si divers, si sages dans la pénombre où on les contraint de rester assis, et si bavards dès qu’ils en sortent.
J’aime ce théâtre-là, - ces théâtres -, qui favorisent les rencontres, les débats, l’échange. Mais tous ne s’y prêtent pas et trop nombreux sont les citoyens qui craignent encore de s’y rendre, comme si ce qu’il s’y passait ne pouvait les concerner… C’est la raison pour laquelle il m’arrive de temps en temps de créer des spectacles « HLM » : Hors Les Murs. « Si tu ne vas pas au théâtre le théâtre ira à toi. »
Depuis longtemps je rêve d’emmener les spectateurs… chez eux. Faire, de leurs appartements mêmes, des théâtres, pour s’y glisser en spectateurs, témoins de leurs vies. Pénétrer un « grand ensemble » et y découvrir ce qui s’y cache de solitudes, mais ce qui se meut aussi, et émeut, de solidarités.
J’ai assisté il y a quelques années à l’implosion à Lille d’un de ces immeubles dit « collectifs ». Il s’agissait de bâtir une autre vie, - celle qu’on avait imaginée après la guerre, dans l’économie et la précipitation, s’étant révélée moins belle que dans les espérances. Quelle émotion ! Sur l’écran de poussière les anciens locataires médusés projetaient silencieusement leur nostalgie et leurs désirs de meilleurs lendemains. J’aurais aimé les entendre bâtir leurs rêves sans rien perdre de leurs mémoires. Les faire parler. D’eux. Du papier peint de leurs murs. De la vue du balcon. Des pannes d’ascenseur. De leurs voisins. De rien et de tout. J’aurais aimé les mettre en scène. Mais aucune scène, aucun théâtre au monde n’aurait à mes yeux pu rendre compte de ces vérités-là.
Alors m’est venue l’idée qu’un jour, dans un quartier en cours de réhabilitation, il me serait possible d’investir avant sa destruction ce qu’on appelle prosaïquement une « barre », une « tour », ou un « linéaire ». Pour y faire du théâtre. Autrement. Ailleurs. Encore fallait-il trouver l’occasion, et les partenaires : élus, bailleurs sociaux, habitants.
C’est à Tourcoing qu’elle s’est présentée. Une ville en pleine mutation, qui soigne avec ténacité les cicatrices d’une industrialisation mise à mal par les crises, et qui « se réinvente ». Un quartier se métamorphose. Il s’appelle, - joli nom ! - Belencontre. Des logements y seront réhabilités, d’autres reconstruits. Pour mieux y vivre.
Avant la démolition, il me semblait impérieux d’aller y sauvegarder la mémoire. Interroger les habitants. Savoir leurs craintes, leurs regrets, leurs désirs. Y trouver le suc d’un spectacle à créer à l’intérieur même de leur immeuble. Car peut-on bâtir, quand la mémoire est en friche ? Habiter La Mémoire : « H.L.M. », le spectacle n’était pas écrit qu’il avait déjà son titre.
Le travail a commencé en mars 2009 : des dizaines d’interviews, consignées en plusieurs centaines de pages dactylographiées. Des rencontres riches, émouvantes souvent, avec des habitants, et des liens qui se créent. Durablement : dès la saison qui suivra le spectacle, des comédiens de La Virgule continueront à entretenir le dialogue à travers des animations, des cours de théâtre, des invitations aux futurs spectacles…
Le spectacle ? Il sera surprenant, et on ne décrit pas les surprises. Tout de même, on peut faire savoir que tous les soirs, près de trois cents spectateurs, réunis en petits groupes de 14 partant toutes les dix minutes du chapiteau dressé à proximité, suivront comme un guide un comédien qui, muni des clés de six appartements, leur ouvrira au cours d’une déambulation d’une heure la porte des mémoires et des rêves, des nostalgies et des projets. Histoire(s) de créer ce dont rêvait Marie-Christine, (cette locataire de Belencontre qui jugeait son « grand ensemble » trop « impersonnel ») : « un fil, un lien, une vie sociale riche où les gens puissent vraiment se rencontrer ».
Bref : du Théâtre.