et autres Zutistes, Jemenfoutistes, Incohérents, Hirsutes et Hydropathes
de la Belle Époque
Une pièce écrite et mise en scène par Jean-Marc Chotteau
à travers des textes d’auteurs fumistes dont Charles Cros et Alphonse Allais
Du jeudi 15 au samedi 31 janvier 2015
au Salon de Théâtre, Tourcoing [F]
Spectacle à l’abonnement
Production : La Virgule
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Avec : Jean-Marc Chotteau, Christian Debaere, Éric Leblanc
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Assistanat à la mise en scène : David Lacomblez
Interprétation musicale : Simon Fache
Création lumière et régie générale : Éric Blondeau
Construction : Alain Le Béon - Artom
Décoration : Frédérique Bertrand
Assistant décoration : Bertrand Mahé
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Durée du spectacle : 1h40 sans entracte
Avec Fumistes, et les textes des nombreux autres cercles littéraires (Incohérents, Hirsutes, Jemenfoutistes, Hydropathes...) où s’inventa un rire nouveau, "hénaurme" et "insensé", Jean-Marc Chotteau fait revivre une époque de trente ans qui s’acheva à la veille de la première guerre mondiale - et qu’on n’appela "Belle" qu’une cinquantaine d’années plus tard...
La pièce se passe un soir de printemps 1914 dans un café-concert imaginaire, Le Mouton Noir, où trois acteurs s’apprêtent à célébrer, à travers un florilège de textes aussi irrésistibles les uns que les autres, l’esprit fumiste fait de non-sens et de provocation, et dont plusieurs auteurs passèrent à la postérité, comme Charles Cros, Alfred Jarry ou Alphonse Allais.
En inventant le monologue, les Fumistes ignoraient qu’ils accouchaient d’un nouveau genre de spectacles, qui allait s’exporter aux États-Unis avec les stand-up et renaître en France un siècle plus tard à travers des Fernand Reynaud, Jamel Debbouze, en passant par des Desproges ou des Devos...
Hier et aujourd’hui, ces rires résonnent dans une salutaire dérision, comme pour conjurer cet esprit de sérieux qui n’est pas le meilleur rempart contre les apocalypses à venir.
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HISTOIRE D’UNE FUMISTERIE
par Jean-Marc Chotteau, juin 2014
Il est des idées qui vous viennent sur les rives d’un canal sans qu’on ait pour autant l’envie de se suicider. Une journée de printemps, une envie de création. C’était à Estaimpuis (Belgique), où je n’étais pas pour échapper au fisc, - d’ailleurs Gérard D. n’était pas là -, mais pour m’entretenir avec l’ami Christian Debaere de notre envie commune de nous retrouver sur les planches, en regrettant que ses fonctions de directeur du Centre Culturel de Mouscron, (avec lequel ma Compagnie a fusionné pour devenir La Virgule), l’aient jusque-là empêché de monter sur les planches pour une aventure commune de saltimbanques à laquelle nous souhaitions mêler, pour un trio d’enfer, le comédien qui marque de son talent depuis près de vingt ans la plupart de mes créations, Éric Leblanc.
Entre autres idées aussi fulgurantes qu’éphémères, et qui ne tardèrent d’ailleurs pas à tomber à l’eau, c’est un hareng saur que nous finîmes par trouver au bord du canal. La proposition vint de Christian de nous réunir autour d’un florilège de textes poétiques et comiques. Face à mon scepticisme, il ajouta, l’œil allumé : « Tu ne nous vois pas, tous les trois, avec nos physiques de pieds nickelés, récitant, la gueule enfarinée, Le Hareng saur de Charles Cros ? » Et le voilà qui se met à réciter, volontairement sinistre, et de cette voix si grave qu’en tremblaient les feuilles de peupliers :
Il était un grand mur blanc - nu, nu, nu,
Contre le mur une échelle - haute, haute, haute,
Et, par terre, un hareng saur - sec, sec, sec…
« Impayable » le Christian comme on dit en Belgique ! (Je ne veux parler ici que de sa puissance comique et non de ses prétentions salariales). Mais je m’efforçai de retenir mon hilarité : pas question de se jeter trop vite à l’eau, et je lui demandai quelques jours de réflexion…
Mais c’était tout réfléchi. Quelques semaines plus tôt Éric Leblanc et moi nous étions régalés à lire les œuvres d’un contemporain de Charles Cros, Alphonse Allais, cet humoriste d’une Belle Époque où s’inventèrent le plaisir de la mystification, le jeu des mots et les délires de l’absurde. J’avais par la suite poursuivi mes lectures autour de cet humour particulier des années 1900 et découvert qu’elles avaient initié l’humour moderne, dans un hénaurme éclat de rire. Je venais de faire, en effet, la connaissance des Fumistes et autres Incohérents, Hirsutes, Jemenfoutistes, Zutistes et Hydropathes, autant de clubs littéraires et artistiques qui durant ces années-là pratiquaient cette dérision qu’allaient populariser dans le siècle suivant le cinéma burlesque, Dada et les surréalistes, les vedettes du music hall, le théâtre de l’absurde, jusqu’aux stand-up d’aujourd’hui. Inventeurs du monologue, nos fumistes et consorts ne pouvaient imaginer la mode actuelle des « seuls en scène », de Devos à Jamel en passant par Bedos et Desproges, qui continuent le dynamitage amorcé il y a cent ans des règles traditionnelles du théâtre en abolissant son quatrième mur.
Il fallut peu de temps avant que mes camarades n’acceptent de participer à ma fumisterie. Un trio en habit noir et chapeau haut-de-forme, contemplant, impassiblement, le balancement du hareng saur sec, sec, sec au bout de sa ficelle longue, longue, longue, c’était de quoi mettre en appétit… Insanités désolantes mais désopilantes, traitement homéopathique de la perte du sens par le non-sens : « aux armes citoyens, il n’y a plus de RAISON ! », criait Alfred Jarry… Un jour, un fumiste nommé Sapeck refusa de retirer son couvre-chef face aux gendarmes qui lui demandaient de se découvrir. Il le fit à la dernière sommation. Et aux gendarmes, ébahis de voir le crâne rasé de l’individu totalement peinturluré de bleu, il expliqua, très sérieusement : « C’est ma façon de lutter contre les idées noires ». Ce sera la nôtre.
Regarder le monde comme un spectacle. Avoir la force de ce condamné à mort qui monte un lundi sur l’échafaud et s’écrie : « la semaine commence bien ! »… C’est ainsi que se décida la création d’un spectacle qui s’appellerait Fumistes !, en hommage à ces pionniers, qui, après trois siècles de classicisme, s’en donnèrent à cœur joie pour remettre le monde à l’envers, comme l’Érasme l’avait fait avec son Éloge de la Folie, et nous sauver par le rire des tragédies prochaines.
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JEAN-MARC CHOTTEAU
D’abord comédien de la décentralisation théâtrale, il fonde sa compagnie en 1982 et s’installe en 1988 dans la métropole lilloise. Il crée le Salon de Théâtre à Tourcoing et y développe une triple activité d’auteur, metteur en scène, comédien, à travers des mises en scène d’auteurs contemporains (Pinget, Pinter, Louki, Bernhard), de nombreuses adaptations de textes non théâtraux (Bouvard et Pécuchet d’après Flaubert, Petites Misères de la Vie conjugale d’après Balzac, L’Ésthétocrate d’après Pol Bury, L’Éloge de la Folie d’après Érasme), ou des pièces originales telles La Revue, Le Jour où Descartes s’est enrhumé, L’Endroit du théâtre, Comma, Night Shop et Hypotyposes. Enfin, certains de ses spectacles sont écrits pour des lieux singuliers qui lui inspirent des scénographies originales : Prises de becs dans un gallodrome, La Vie à un fil dans une friche industrielle, Le Bain des pinsons dans une ancienne piscine, Jouer comme nous dans le cloître d’un ancien monastère, HLM dans un immeuble vidé de ses habitants avant sa démolition.
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CHRISTIAN DEBAERE
Comédien et metteur en scène, il s’est formé à l’épreuve de la scène et lors de stages animés par Giulio Foravanti, Michel Jestin et Mark Kotto. Il a participé depuis trente ans à de nombreux projets théâtraux explorant l’ensemble du répertoire, de Labiche à Topor, en passant par Tchekhov, Molière, Tardieu, Allen, Ribes. Metteur en scène, il a notamment créé au Salon de Théâtre Caussimon en trois mots et Le Gardien de phare de Baptiste Coppens. Il a dirigé Jean-Claude Derudder dans Il treno del Sole, Leroy se marre et prépare avec lui Van Gogh présenté à l’occasion de Mons 2015 capitale européenne de la culture.
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ÉRIC LEBLANC
Comédien formé au Conservatoire de Lille et lors de stages au Conservatoire de Paris sous la direction de Pierre Debauche, il travaille au théâtre pour Gildas Bourdet, Christian Schiaretti, Jean-Louis Martin Barbaz, Yves Graffey. Sous la direction de Jean-Marc Chotteau, il joue, entre autres, dans Le Jour où Descartes s’est enrhumé, La Comédie du Paradoxe, Petites misères de la vie conjugale, Le Réformateur, Night Shop, Appartements Témoins et HLM. Il a par ailleurs mis en scène Tonio Kröger d’après Thomas Mann et L’Annonce à Guevara de Michel Franceus. Il est comédien permanent à La Virgule, dont il anime également l’École Transfrontalière du Spectateur.
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La presse en parle :
Un humour pince-sans-rire qui fait mouche !
Marie Pons, Let’s Motiv
Ne pas se prendre au sérieux, le plus sérieusement du monde, est un réel plaisir !
Christian Vincent, La Voix du Nord
Jean-Marc Chotteau aime les mots et la malice. Un auteur joueur, un acteur complice, un partageur de bonne humeur.
Guillaume Deprecq, Croix du Nord
Le texte et la mise en scène de Jean-Marc Chotteau ravivent brillamment l’humour intelligent de l’époque que les comédiens reprennent avec talent. Entre hommage pertinent et rétrospective salutaire, Fumistes se trouve un chemin léger et rafraîchissant.
Guillaume Branquart, Sortir
Les « Fumistes » enfument joyeusement leur monde… L’art de mettre les points sur les « i » tout en maniant la contrepèterie avec une élégance joyeusement irrévérencieuse, une grivoiserie subtile teintée d’un rien de nostalgie. Bref ça pète sec et on rit de bon cœur de se laisser ainsi enfumer… Il y a du Charlie dans l’air sans qu’on ait besoin de le nommer…
Paul Kros, Liberté Hebdo
Alors que ces derniers jours les thèmes de la relation entre la liberté d’expression et l’humour sont plus actuels que jamais, la pièce ne manque pas d’être un clin d’œil à Charlie-Hebdo…
Notélé