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Production : La Virgule, Centre Transfrontalier de Création Théâtrale
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Avec : Éric Leblanc, Arnaud Devincre, Jean-Marc Chotteau, Renaud Hézèques, Eddy Vanoverschelde
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Création musicale : Timothée Couteau
Assistanat à la mise en scène : Carole Le Sone
Scénographie : Jean-Marc Chotteau
Construction : Alex Hermann
Décoration : Frédérique Bertrand
Lumières : Éric Blondeau
Régie : Charly Caure
Photos : Simon Garet
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Durée du spectacle : 1h40 sans entracte
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CONTACT TOURNÉE :
+33 (0)3 20 27 92 78 / diffusion@lavirgule.com
ou J’aimerais mieux pas !
D’après le roman d’Herman Melville
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Adaptation et mise en scène de Jean-Marc Chotteau
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Avant même que la vague de « démission silencieuse » ou « quiet quitting » n’en fasse résonner l’actualité du propos, Jean-Marc Chotteau avait l’envie de porter à la scène Bartleby, le fascinant et très court roman écrit en 1853 par Herman Melville, l’auteur de Moby Dick.
Cette nouvelle conte l’histoire d’un notaire de Wall Street aux affaires florissantes, qui s’adjoint les services d’un nouvel employé copiste : Bartleby. Ce dernier ne tarde pas à se distinguer, par son application zélée, du duo de collaborateurs besogneux - et éminemment comiques - déjà en place à son arrivée.
… Mais un jour, à la demande faite par son patron de relire sa copie, Bartleby répond par cette phrase énigmatique : « I would prefer not to ». Refusant dès lors les tâches que son employeur lui confie, et désamorçant toute tentative de reproche par ces polis et déconcertants « j’aimerais mieux pas », Bartleby bouleversera l’ordre établi de cette petite étude et les certitudes du notaire.
Bartleby est-il un rebelle, un ange, un fou ? Le génie de Melville est de ne donner aucune explication, ni même aucune piste. Mais le public ne pourra s’empêcher de voir en lui l’incarnation du désarroi face une certaine perte de sens dans le monde du travail d’aujourd’hui.
L’adaptation pour le théâtre proposée par Jean-Marc Chotteau, qui transpose l’action à Paris en mai 1968 dans un décor à cheval entre deux époques, laissera elle aussi ouvertes les interprétations quant au comportement mystérieux de Bartleby. Cinq comédiens et une partition musicale originale de Timothée Couteau, donneront vie à l’étrange univers de ce livre à la fois comique et émouvant, finalement terriblement de notre temps.
« Vous cherchez à bosser en en faisant le moins possible ?
La réponse est dans la littérature avec le génial personnage de Bartleby. »
France Culture, La Démission silencieuse. Émission du 10 Novembre 2022.
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NOTE D’INTENTION PAR JEAN-MARC CHOTTEAU
Rue du Mur
« Transposer un roman à la scène, je suppose qu’on ne peut le faire qu’à condition de souhaiter, d’abord, partager avec un public le plaisir qu’on a eu à la lecture ; ensuite, parce qu’on y voit la possibilité de dialogues, de mise en espace dans un décor et d’une distribution d’acteurs qui ne seront pas des personnages de papier. Il faut que l’histoire vous touche et vous fasse deviner les rires ou l’émotion d’une salle quand vous en aurez fait un spectacle vivant. Oui, j’avais bien tout cela quand me vint l’idée de mettre en scène un de mes livres de prédilection : Bartleby d’Herman Melville.
Mais une adaptation nécessite que celui qui ose l’entreprendre, surtout quand il s’agit d’un chef-d’œuvre, puisse répondre à la double exigence de la fidélité et de l’audace. Fidélité à une écriture, un style, un ton. Mais audace aussi de s’approprier le propos, de dégager une ligne claire, pour faire entendre, et aimer comme vous-même l’aimez, l’œuvre à ses contemporains.
Or, de ligne claire, et de propos, je n’en avais pas au sujet de Bartleby, et j’espère bien, dussé-je vous choquer ou inspirer déjà la critique de presse, n’en avoir toujours pas. Car ce qui fait la singularité de ce roman, sa force, sa séduction, c’est justement que son auteur ne nous dit rien, ou vraiment très peu de choses, du personnage qui en porte le titre, ni du sens de son incompréhensible comportement.
Je ne sais pas d’où vient Bartleby quand, « silhouette lividement nette », il rentre, pour la première fois dans l’étude du notaire qui vient de l’engager comme copiste. Quel âge a-t-il ? Est-il marié ? Où vit-il ? À quoi pense-t-il ?
Je ne sais pas pourquoi, dès son arrivée, il se met si docilement à gratter le papier, sans pause ni repos, sans parler à quiconque, pas même à ses collègues copistes aux doux surnoms de Trombone et Dindonneau.
Je sais encore moins pourquoi, dès le troisième jour, à son patron qui lui demande de relire sa copie, il ose répondre : « I would prefer not to », phrase sans queue d’un têtu, et qui est apparemment impossible à traduire si l’on en croit les dizaines de pages d’analyse des linguistes, philosophes et exégètes, de Deleuze à Derrida, qui se sont penchés sur les failles des innombrables traductions : de « je préfèrerais ne pas », la plus littérale, et qui rend compte de la préciosité de la formule américaine, à « j’aimerais mieux pas », pour laquelle j’ai opté, car je la trouve plus aisée dans la bouche d’un acteur ; il s’agit bien d’une traduction pour le théâtre quand même !
Je ne sais pas non plus comment son refus maintes fois répété de faire ce pour quoi il a été engagé peut ne pas entraîner plus de colère chez son employeur… « Fraternelle mélancolie » ? Peut-être !
Malgré toutes ces questions, et cette ignorance, qu’est-ce qui fait donc que Melville réussit à nous faire sentir aussi proche d’un personnage aussi diaphane dans une intrigue aux tons changeants de comédie, de burlesque, d’absurde kafkaïen, de mélancolie, d’amertume et de révolte ? Pourquoi ce personnage, le livre achevé, nous reste-t-il si fort en mémoire ? Ma réponse est : un mur.
Derrière la fenêtre de l’étude du notaire, Melville nous décrit un mur, à quelques dizaines de centimètres des vitres, un mur de briques rouges et noircies, devant lequel Bartleby se tient souvent, debout, comme en contemplation. Et je réalise que l’auteur sous-intitule sa nouvelle : Une histoire de Wall Street, que les américains entendent comme « la Rue du Mur », c’est-à-dire là où se bâtissent, au moment où Melville écrit, les hauts immeubles de ce qui deviendra la capitale mondiale du marché boursier.
Et si l’insoumission douce et mélancolique de Bartleby avait à voir avec le désarroi qu’on éprouve lorsque les mutations du monde déstabilisent, effraient, et semblent produire l’édification de murs de toutes sortes et de plus en plus infranchissables ?
Sur les murs de mai 68 en France, on pouvait lire « il est interdit d’interdire » … Bartleby pensait-il déjà tout bas : « il est permis de désobéir » ? Pratiquait-il ce qui allait devenir aujourd’hui le phénomène récemment né aux États-Unis du « quiet quitting », la « démission silencieuse » des salariés, ce lâcher-prise un peu dépressif, entre l’aquoibonisme et la révolte tranquille, qui consiste à travailler le moins possible sans risquer de se faire virer ?
L’envie m’est alors venue de transposer la nouvelle de Melville à ce printemps-là où naquit en Occident le refus très contemporain et croissant de toute autorité.
Je ne sais s’il faut s’en réjouir. J’en doute il est vrai. Mais je sais pourquoi on peut se sentir frère de Bartleby. »
J.M.C.
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La presse en parle
De la comédie aux larmes, la pièce est pleine de tendresse et de questionnements.
La mise en scène est particulièrement bien servie par un décor intelligent. (...)
Sur les murs de 68 s’affichait le slogan « Ne pas perdre sa vie à la gagner », Bartleby est plus que jamais d’actualité.
Christian Vincent, La Voix du Nord
Le directeur artistique de La Virgule injecte du rythme et de l’humour. (...)
Le mystère Bartleby demeure mais résonne plus que jamais avec notre époque.
Julien Damien, Let’s Motiv
Du texte d’Herman Melville, Jean-Marc Chotteau tire une adaptation affûtée aux échos contemporains portée par une distribution enthousiasmante. (...)
Il faut signaler le soin rare apporté à un décor à l’astucieuse pertinence. (...)
Déplaçant l’action du Wall Street du XIXème siècle au Paris de mai 1968,
l’adaptation de Chotteau ne perd rien de la force des questionnements du roman.
Guillaume Branquart, Sortir
Renaud Hézèques a parfaitement endossé le personnage de l’anti-héros évanescent. (...)
La musique de Timothée Couteau intervient comme dans un film, à la manière d’une bande son,
et souligne magnifiquement la « fraternelle mélancolie » qui plane sur cette énigmatique histoire.
Françoise Objois, Croix du Nord
C’est une belle soirée de théâtre, du théâtre total qui fait rire, émeut, tient en haleine, donne à réfléchir. (...)
Le dosage entre récit et action, entre comique et tragique, est parfait. Éric Leblanc est d’une justesse d’interprétation admirable.
Colette Douces, Passeur du large