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Tel est le titre de la nouvelle saison de la Virgule, que je vous invite à découvrir dans les pages qui suivent. Il est inspiré du thème de notre prochaine création HLM ou Habiter la mémoire qui devrait être, en guise de clôture en juin, un moment théâtral hors du commun : à l’intérieur même d’un immeuble collectif vidé de ses hôtes car voué à la démolition, nous vous proposerons une très spectaculaire déambulation à la découverte de la mémoire de ses locataires. Nous les avons rencontrés. Ils nous ont livrés leurs nostalgies, leurs craintes, leurs projets, leurs rêves. Le premier grand ensemble français s’appelait la cité de… la Muette ! À Drancy. Eh bien, à Tourcoing, “ville qui se réinvente” les habitants d’un quartier en cours de réhabilitation nommé joliment Belencontre nous ont … beaucoup parlé !

Je préfère le théâtre qui fait parler au théâtre dont on parle. C’est à cette aune qu’il m’arrive de mesurer le succès d’une saison. Pour cela il faut d’abord que le théâtre nous parle. Je veux dire qu’il nous touche, dans le rire ou l’émotion, sans cesser de faire bouger nos points de vue sur le monde, en suscitant notre questionnement. Ce théâtre-là invite au débat, au partage, à l’échange et, finalement, - rêvons ! -à l’harmonie. N’est-ce pas ce qu’on attend, et pas seulement en matière musicale, d’un “grand ensemble” ?

Mais les tours, les blocs, les barres, les linéaires, sont aussi des lieux de grande solitude. Si “ensemble” veut étymologiquement dire “ en même temps” ou “ l’un avec l’autre”, il peut arriver dans le même “collectif”, d’être ensemble et en même temps sans jamais se côtoyer ni s’adresser la parole ! Il peut en aller de même dans le théâtre. L’un comme l’autre n’ont de légitimité que dans leur capacité à créer du lien.

Les temps sont durs pour le lien social. Époque de crises, économique, financière, éthique, culturelle, voilà que nos démocraties se communautarisent, se sécurisent. Il s’agit de faire peur. De l’autre. De la différence. De la singularité. Sur cette peur on assoit des pouvoirs, on perpétue des privilèges, on divise. On stigmatise un ensemble en oubliant les sous-ensembles, pire en méprisant les individus qui les constituent. “Donne du Rom à ton homme…”, c’est bien ça que dit la chanson ?

Les temps sont durs pour le théâtre quand il prétend participer au lien social : les mêmes crises sont mortifères pour qui veut prétendre cultiver une différence. On apprend que le Ministère de la Culture ne subventionnera plus les salles de théâtres non “labellisées”. Que cherche-t-on en haut-lieu ? Si l’on y redoute à juste titre l’hégémonique culture “mainstream” (née américaine, et demain indienne ou chinoise), c’est-à-dire la culture de masse qui se veut plaire à tout le monde, en même temps et très paradoxalement on cesse d’accompagner ceux là-même qui empruntent hors de tout “label”, mais avec succès, les chemins de la singularité... Le danger est grand de voir notre République cultiver l’indifférence ! Et chacun, seul dans son grand ensemble, regardera sa télé.

Notre saison théâtrale se revendique cette année comme une de ces “cités” de quartier où voisinent des histoires, des familles, qui se complètent et s’enrichissent dans leur diversité : compagnies belges, anglaises, françaises,- régionales ou parisiennes - où Racine côtoie les écritures contemporaines, où Shakespeare est insolemment revisité, où les mots font l’objet de jeux, où le monde est remis en question.

Oui le théâtre comme je l’aime, se veut un grand ensemble : antidote à la solitude, remède au repli sur soi, où toutes portes ouvertes à la complicité, au collectif, à la citoyenneté, l’on fait connaissance.

Accompagnez-nous, en vous abonnant, durant toute cette saison ! Il se pourrait que nous soyons encore plus grands, ensemble.

30 août 2010

Jean-Marc Chotteau