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APPARTEMENTS TÉMOINS


Conception et mise en scène de Jean-Marc Chotteau

D’après les témoignages d’habitants de HLM

Du jeudi 10 au dimanche 13 février 2011
et du jeudi 10 au dimanche 13 mars 2011
au Salon de Théâtre, Tourcoing (F)

Spectacle hors abonnement


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Production : La Virgule, Centre Transfrontalier de Création Théâtrale (Mouscron-Tourcoing)
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Avec : Éric Leblanc
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Et les voix de : Estelle Boukni et les élèves du collège Lucie Aubrac (Tourcoing)
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Co-adaptation : Blandine Aubin
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Témoignages recueillis par : David Lacomblez et Lucie Hardouineau dans le quartier Belencontre à Tourcoing, Beaulieu à Wattrelos et Les Blommes à Mouscron
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Création lumière et son : Sébastien Meerpoel
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Construction du décor : David Lecocq et les Ateliers communaux de Mouscron
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Durée du spectacle : 1h20 sans entacte


Photothèque


Dernier vestige d’une HLM abattue pour faire place à des logements neufs, un mur de boîtes aux lettres livre les mémoires de ses anciens locataires à un homme de théâtre. Les anecdotes de voisinage, les joies et les peines du quotidien, expriment les plaisirs de la vie en « collectif » mais en dévoilent aussi parfois les côtés sombres.
Éric Leblanc, seul en scène, incarne la quinzaine d’habitants d’un même immeuble et livre mot pour mot les témoignages recueillis auprès des populations de quartiers en cours de rénovation.
Appartements Témoins fait passer le public du rire aux larmes et révèle que, paradoxalement, les « grands ensembles » abritent souvent de profondes solitudes. ”



APPARTEMENTS TÉMOINS

Pour bâtir le spectacle-événement HLM - Habiter La Mémoire, créé en juin 2011 dans une tour sur le point d’être démolie, Jean-Marc Chotteau s’est vu confier des témoignages passionnants.
Trop nombreux pour rentrer tous dans la déambulation théâtrale qu’était HLM, mais trop riches d’humanité, d’émotion et d’humour pour être laissés de côté, il a imaginé un second spectacle reprenant ces récits à la lettre avec pour liberté d’auteur celle du « montage ».



ENTRETIEN AVEC JEAN-MARC CHOTTEAU à la veille de la création, le 10 février 2011

Appartements Témoins est un spectacle directement lié à HLM la création événementielle de La Virgule de la saison 2010/2011.
Jean-Marc Chotteau : C’est vrai, la grande aventure de cette saison sera HLM - Habiter La Mémoire, joué dans le quartier Belencontre à Tourcoing, une ville qui se rénove, qui se réinvente. Je rêvais depuis longtemps de faire un spectacle hors les murs, à l’intérieur même d’un immeuble collectif devant être abattu pour la rénovation d’un quartier. Une telle destruction est souvent spectaculaire, à la fois symbole de renouveau et source de nostalgie pour ceux qui quittent l’endroit où ils ont vécu. L’occasion m’est donnée en juin prochain d’emmener les spectateurs dans une déambulation à l’intérieur de l’un de ces immeubles, pour un spectacle hors normes. Pour créer le spectacle, le nourrir de la vérité d’histoires vécues, nous avons interrogé les habitants du quartier Belencontre, et d’autres quartiers proches tels Beaulieu à Wattrelos, les Trois-Ponts à Roubaix et les Blommes à Mouscron. Nous avons ainsi eu à notre disposition des centaines de pages de témoignages d’une richesse infinie, qui permettaient de faire plusieurs spectacles. J’étais frustré de ne pouvoir en utiliser qu’une partie pour HLM, j’ai donc eu envie, juste avant de lancer notre saison, de proposer une petite forme théâtrale que j’ai appelée Appartements Témoins, comme une mise en bouche à HLM, un spectacle apéritif où seraient entendus ces témoignages.

Vous avez adapté les témoignages. Entend-on encore les mots des témoins ?
JMC : Adaptation, oui et non. Non, parce que les mots que l’on entendra seront ceux des gens, livrés texto - textuellement. Nous n’avons pas retravaillé le style, ni masqué d’éventuelles fautes de grammaire ou de syntaxe. On entend les textes avec leurs hésitations qui sont riches de sens  ; les émotions passent par des silences, des rires et des gestes que nous avons gardés. Donc, à ce niveau là, il n’y a pas d’adaptation. En revanche, il a fallu choisir parmi les centaines de pages de témoignages et le choix est déjà une adaptation ; j’ai été efficacement assisté dans ce travail par Blandine Aubin. Le collage, le choix de l’ordre, crée du sens, crée des rires, des sourires, crée de l’émotion. Et, ce sens, c’est notre regard d’artistes, c’est une création. Le fait simplement de terminer un témoignage par tel ou tel mot, crée du sens. Tout cela s’inscrit également dans un décor qui raconte des choses qui ne nous ont pas été dites par les témoins.

Les témoignages vous ont-ils surpris ?
JMC : Je n’avais pas véritablement d’apriori sur la vie en habitat collectif. Simplement, ayant été moi même spectateur de l’implosion d’une tour dans le quartier Lille-Sud il y a quelques années, j’étais alors en présence des anciens habitants qui s’exprimaient avec émotion. Je me suis dit qu’il fallait
recueillir cette parole pour en faire un spectacle. Je ne m’attendais à rien, sinon à entendre des gens parler de leur vie dans ce que l’on appelle un immeuble collectif. Et, effectivement, c’est une chose très particulière que cette vie en « collectif ». Dans de nombreux témoignages, apparaît la distance qu’il y a parfois entre les gens sur quelques étages, voire sur un même palier, la présence
simultanée d’existences solitaires et d’aventures solidaires. C’est sur cette question que j’ai voulu axer principalement à la fois notre travail d’adaptation et ma direction d’acteur.

Une grande palette de personnages et d’émotions sont ici interprétées par un seul comédien.
JMC : J’ai demandé à mon comédien et camarade Éric Leblanc, qui a déjà participé à de nombreuses créations de La Virgule, d’être seul face à un mur de boîtes à lettres qui s’anime et l’invite ainsi à devenir les habitants auxquels ces boîtes appartenaient encore quelques heures auparavant. J’ai imaginé que mon personnage découvre ce qu’il reste d’un immeuble juste après sa destruction.
Ne reste debout qu’un petit morceau du hall, mais ses boîtes à lettres sont intactes. Et ces boîtes à lettres racontent des choses, bougent, s’animent toutes seules, ont leur vie propre. Le décor est presque le second personnage de la pièce, puisqu’il vit.



EXTRAITS

Virginie : “Ma mère elle veut pas partir. Elle a dit : “Je vais mourir avant de déménager.” Elle a ses souvenirs, elle a toujours vécu là, et y a vu grandir ses enfants, elle a eu son mari qui est mort là. C’est ça que les gens ils comprennent pas. Il comprennent pas qu’on a un vécu. On est pas des numéros, on est pas des gens qu’on déplace pion par pion. On est des gens … qu’on a une histoire."

Pierre : “On va atterrir dans un autre logement parce que ça va être cassé. C’est fini de faire imploser maintenant, c’est une grignoteuse, c’est une grande pince qui grignote petit à petit. On attend. On avait tout refait l’appartement, et de but en blanc, on nous dit : on casse. Ça fout un petit peu les boules mais on y peut rien. C’est comme ça."

Marie-Christine : "Ici si je veux recevoir deux-trois couples d’amis, c’est une galère. Donc ça fait trente ans que je pousse la table du salon. Les amis qui viennent disent toujours : Ben, c’est pas pour les murs qu’on vient, c’est pour toi (...) C’est la vie, la vie qui fait qu’on a des coups durs, c’est pas forcément lié à l’appartement. Ça serait dans un autre appartement, ça serait pareil. Il y a des weekends pluvieux ou non pluvieux, où on veut pas déranger les gens. On est un peu isolés."

Christine B : "Ma voisine d’en dessous, une arabe, elle est super ! Elle me fait rire : toutes les semaines, elle fait un couscous, toutes les semaines elle me ramène une assiette ici ! Tiens c’est pour toi !"

Malik : "Depuis que j’habite ici, j’ai plus de réveil. Pourquoi j’ai plus de réveil ? Parce que ma chambre donne du côté du Centre social et tous les matins, je suis réveillé par les jeunes du Centre. Allongé sur le canapé, j’entends crier...
Je dis, qu’est-ce qui se passe, je pensais que c’était juste une fois, mais non, je me suis rendu compte que ça fait partie de leur chants. Il crie tous les matins : ”ON EST PAS FATIGUÉS !

Chantal : “Avant, c’était, c’était tout des gens bien qu’on mettait ici. Des professeurs, tout ça. Maintenant, ils cassent tout. Avant on pouvait causer tranquillement dehors. Maintenant on ne peut plus. On ferme la porte, on regarde la télé."

Patrick : "Alors les sujets qu’il faut pas toucher au sujet des HLM, c’est les antennes de télé. Ça peut pas être en panne une soirée, ça. Et la deuxième chose , les ascenseurs. Pour la petite histoire, une fois, j’ai eu une réclamation parce que la glace de l’ascenseur était cassée au premier, deuxième et troisième étage. Ça m’a fait marrer, parce qu’ils avaient pas vu que c’était la même glace !"

Didier : "J’ai organisé un tiercé à cochons aussi. Avec des paris, et tout. On avait fait un enclos avec des barrières. On avait prévu à peu près tant de mètres, j’avais demandé autant de barrières à la mairie. Et puis on a eu les autorisations. Attention, c’est sérieux, hein, vétérinaires et tout le machin, hein ! Le plus dur, ça été de trouver des cochons…"

Virginie S : "Je faisais le yoyo avec ma grand-mère. Elle était au rez-de-chaussée, moi j’étais au septième : “Mémé, j’ai plus de Sopalin, tu peux me mettre du Sopalin dans l’ascenseur ?” Elle mettait dans l’ascenseur, elle appuyait sur 7, moi, j’allais à l’ascenseur, j’ouvrais, je prenais mon Sopalin."

Jacques : "Tout ce qui vole par la fenêtre, c’est incroyable. Oh, y’a même des pizzas complètes qui passent. Ou des fois des œufs. Des fois j’ai reçu un œuf sur ma voiture, moi ! D’où que ça vient ? Ben on sait pas. Ou encore des pommes de terre. C’est un manque de respect. Ils ont un vide-ordures, ah si ! Mais… ça va plus vite par la fenêtre !"

Christine : "Faut apprécier le bonheur doublement, justement parce qu’il y en a peu."